top of page

Ségrégation et éducation en littérature

Voici deux livres qui réunissent deux grandes thématiques dans l'histoire des droits civiques : l'équité face à l'éducation.

Petits rappels de l'histoire États-Unienne en cette veille de rentrée scolaire.


1 – Sweet sixteen, Annelise Heurtier, éd. Casterman, 2014 (roman adolescent).


⭐ ⭐ ⭐ ⭐ ⭐


Résumé


Rentrée 1958. Le plus prestigieux lycée de l'Arkansas ouvre pour la première fois ses portes à des étudiants noirs. Ils sont neuf à tenter l'aventure. Ils sont deux mille cinq cents, prêts à tout pour les en empêcher .


Mon avis


Un très bon roman jeunesse. Annelise Heurtier parle très bien des adolescents et aux adolescents.

Ici, elle permet d'accéder à un grand moment d'histoire des afro-américains, en racontant le quotidien de deux jeunes filles américaines en septembre 1957. D'un côté, Molly, une adolescente noire de 15 ans qui s'est inscrite depuis trois ans au projet de scolarité mixte (scolariser ensemble les américains noirs et américains blancs). La jeune fille vit avec sa mère et sa grand-mère. Soutenue par les deux femmes, Molly a la volonté de participer au projet d'égalité entre les populations américaines.

De l'autre, Grâce, une jeune fille de 15 ans, blanche, populaire et coquette. La présence des neuf étudiants noirs dans son lycée va changer sa vie.


Le roman est bien écrit, rythmé. On en oublierait presque parfois qu'on parle d'adolescents des années 1950. L'autrice pose bien les problèmes adolescents dans la tourmante de l'histoire. La ségrégation fait rage dans la ville mais aussi au sein du lycée. Au milieu des problèmes sociaux et politiques, Grâce et Molly essaient de vivre leur vie d'adolescentes, elles partagent le même rêve : fêter leur sweet sixteen anniversaires.


Point historique


Le 17 mai 1954, la Cour suprême des États-Unis a déclaré que la ségrégation dans les écoles était désormais inconstitutionnelle. Une décision qui a entrainé de nombreux heurts dans les États du Sud, et notamment dans l’Arkansas.


En janvier 1956, 27 étudiants noirs de Little Rock qui avaient tenté de s’inscrire dans des écoles blanches étaient refusés par le Bureau de l’éducation de la ville. C’est ainsi qu’à l’été 1957, neuf étudiants (six garçons et trois filles) étaient « choisis » pour former la première « cohorte » d’intégration des Noirs à la Central High School de Little Rock.


Mais le 3 septembre, veille de rentrée scolaire, le gouverneur de l’Arkansas, Orval Faubus, a déclaré que l’intégration des Noirs dans les écoles blanches était impossible et à demandé à la Garde nationale de les en empêcher l’accès, prétendant vouloir maintenir l’ordre. Le lendemain, les neuf étudiants se sont butés à une foule en délire et ont rebroussé chemin.


Ce n’est que le 20 septembre, après un arrêt du juge Ronald Davies et l’injonction du président américain Dwight Eisenhower, que le gouverneur Faubus demandait à ses troupes de se retirer. Une décision qui ne devait pas pour autant mettre un terme aux protestations de citoyens blancs de Little Rock.


C’est ainsi que, deux jours après les violents incidents du 23 septembre, un millier de soldats de la 101e division aéroportée dépêchés par le président Eisenhower étaient en place aux abords de l’établissement scolaire pour escorter les neuf étudiants noirs.

Source : La croix


« Les neufs de Little Rock », statue en hommage aux étudiants noirs, à Little Rock (Arkansas) / Steve Snodgrass

2 – Blanc autour, Wilfrid Lupano & Stéphane Fert, éd. Dargaud, 2020 (bande dessinée)


⭐ ⭐ ⭐ ⭐ ⭐


Résumé


1832, Canterbury. Dans cette petite ville du Connecticut, l’institutrice Prudence Crandall s’occupe d’une école pour filles. Un jour, elle accueille dans sa classe une jeune noire, Sarah. La population blanche locale voit immédiatement cette « exception » comme une menace. Même si l’esclavage n’est plus pratiqué dans la plupart des États du Nord, l’Amérique blanche reste hantée par le spectre de Nat Turner : un an plus tôt, en Virginie, cet esclave noir qui savait lire et écrire a pris la tête d’une révolte sanglante. Pour les habitants de Canterbury, instruction rime désormais avec insurrection. Ils menacent de retirer leurs filles de l’école si la jeune Sarah reste admise...



Mon avis


Peu lectrice de bande dessinée, j'ai un coup de ❤️ pour celle-ci.


D'abord le graphisme. Les vignettes, les couleurs, l'expression des personnages, les plans d'ensemble, tout est imprégné de poésie et d'humour. Les dessins sans contour donne de la légèreté et une impression de mouvement. J'aime beaucoup les couleurs et les détails des paysages en arrière plan qui contrebalancent la dureté de l'histoire. Plusieurs vignettes reprennent la couverture: le groupe de femmes de profil allant dans la même direction, renvoie une force et une détermination sans pareil.


Concernant le texte, les élèves, Sarah, Maggie, Eliza..., sont attachantes. Elles sont croquées avec authenticité : courage, doutes, volonté, humour. Prudence Crandall et Maria forment un binôme de femmes fortes et indépendantes. Finalement Prudence Crandall n'est pas mise en avant. Ce sont toutes les élèves qui portent son message, sa volonté de tendre vers le droit des femmes, des femmes noires à être, à s'instruire et à vivre librement.


C'est difficile d'analyser une bande dessinée. L'harmonie entre l'histoire et le graphisme fait de Blanc Autour un petit bijou à découvrir.




Point historique


L'histoire de la Canterbury Female School de Prudence Crandall ne s'est pas arrêtée avec sa fermeture en 1834, à la suite des violences perpétrées par une foule en colère.

Bien qu'elle n'ait plus jamais dirigé d'école traditionnelle, Prudence Crandall continua à enseigner à toutes celles et ceux qui voulaient apprendre.

Nos enfants seraient devenus des imbéciles si Mme Philleo [Prudence Crandall ] n'avait pas été là.

Extrait des mémoires non publiées, Canterbury Pilgrims.



Sarah Harris, de Canterbury (Connecticut) fut la première élève afro-américaine de la Canterbury Female Boarding School.

Nombreuses jeunes filles ayant été élèves ont été retrouvées. Plusieurs d'entre elles sont devenues enseignantes et/ou ont activement participé à la lutte pour les droits des citoyens afro-américains et les droits des femmes.


En 1833, Prudence Crandall passa une nuit en prison dans la ville voisine de Brooklyn (Connecticut) avant son premier procès considéré comme le premier procès systémique où les arguments favorables à la citoyenneté afro-américaine furent plaidés devant un tribunal. Un deuxième procès aboutit à une condamnation de Prudence Crandall, qui fut annulée en appel pour vice de forme, si bien que l'institutrice put continuer à diriger son école (une décision qui suscita la colère des habitants de Canterbury et conduisit très probablement à l'attaque collective contre l'école en septembre 1834).

Le Connecticut a abrogé la Black Law en 1838.


L'accès à une éducation égalitaire et équitable demeure un défi pour les élèves du monde entier. Classé site historique national, le musée Prudence Crandall, vestige de la Canterbury Female Boarding School s'est engagé dans la lutte pour l'équité dans l'éducation en inscrivant l'école au cœur de l'histoire de la lutte mondiale pour les droits civiques et en encourageant son public à prendre part au débat civique et aux actions civiles.


Source: Postface de la bande dessinée par Joanie DiMartino, Conservatrice du musée Prudence Crandall.


Pour le plaisir des yeux




N'oubliez pas de laisser une trace de votre passage par un ❤️ ou un commentaire. Je suis toujours ravie de recevoir vos avis. Et surtout pensez à partager sur vos réseaux svp. A bientôt.


Callie

Posts récents

Voir tout
Post: Blog2_Post
bottom of page